« The Tribe » de Myroslav Slaboshpytskyiy
The Tribe, de Myroslav Slaboshpytskyiy, Drame, Ukrainien-néerlandais, 2h12 min, sortie française le 1er octobre 2014. Distribué par UFO.
Avec Yana Novikova, Grigoriy Fesenko, Rosa Babiy…
Résumé : Sergey, un jeune sourd, entre dans un internat spécialisé et doit subir les rites de la bande qui fait régner son ordre, trafics et prostitution, dans l’école. Il parvient à en gravir les échelons mais tombe amoureux de la jeune Anna, membre de cette tribu, qui vend son corps pour survivre. Sergey devra briser les lois de cette hiérarchie sans pitié…
Grand Prix de la Semaine de la critique, lors du Festival de Cannes.
Pourquoi ce film ?
Ce film « choc », multi-récompensé à la Semaine de la Critique à Cannes en 2014, évoque la vie de jeunes sourds en utilisant uniquement des dialogues en langue des signes. Le réalisateur a fait le choix de ne pas sous-titrer ces dialogues, laissant les spectateurs interpréter les échanges entre les personnages. Tant dans ce qu’il raconte que dans ses choix formels radicaux, il nous est donc apparu évident que ce film devait être débattu au sein du groupe de visionnage de l’association.
Un compte-rendu de nos débats
- Sur la mise en scène
De manière générale, le groupe de visionnage a salué les qualités artistiques du film. Le cadre, les couleurs, la composition des plans ont été remarqués et souvent appréciés.
« Les longs plans-séquences sont très bien composés, les mouvements de caméra sont élégants et frappants. Myroslav Slaboshpytskiy fait preuve d’une grande virtuosité dans sa mise en scène. » (Anna M.)
« J’apprécie l’esthétique, il a un vrai choix par exemple, au niveau de cadre de ne pas faire de gros plan. Tous sont quasiment en plan moyen ou taille. A regarder, les images sont comme des photos que nous prenons le temps d’apprécier. » (Hélène C.)
- Sur le propos et le ton du film
La violence du film a été notée par tous. Une œuvre difficile et crue, que l’on conseillera avec prudence.
« C’est un film froid, dur et violent, où à mon goût, cette violence est peut-être un peu « gratuite », sans réel intérêt et qu’elle y est introduite simplement pour choquer. » (Pauline C.)
« Une impression de gratuité se dégage du film : le propos du cinéaste (commentaire sur la violence) est d’une assez grande banalité au final et semble surtout dénué de sincérité. » (Anna M.)
« L’histoire est trop crue. Il n’y a pas de romantisme, ni d’émotions. » (Hrysto)
- Sur la représentation des personnes sourdes
Certains des membres du groupe on trouvé le jeu des comédiens peu crédible et exagéré :
« Les comédiens ont exagéré leur jeu du fait qu’il n’y a pas de traduction, ni de sous-titrage afin d’être compréhensible par le public. » (Hrysto)
« Le jeu des comédiens est exagéré, cela aurait pu être traité plus en finesse. » (Hélène C.)
D’autres se sont interrogés sur l’image des personnages sourdes que véhicule le film :
« C’est un film très fort où on se demande si cela existe vraiment quelque part sur la planète. Il reste toujours la crainte que des personnes pensent que les sourds sont comme ça, aussi violents, et qu’ils restent marqués par cette image. » (Hélène C.)
Enfin, on s’est questionné sur la stylisation ou l’esthétisation de la langue des signes : « On sent aussi une volonté de rendre plus « propres » certains éléments : le fait que les jeunes sourds qui signent ne fassent quasiment aucun bruit en parlant relève par exemple d’un travail de montage sonore très précis qui contribue à « déréaliser » le film, le réduisant presque à l’exercice de style. » (Anna M.)
- Sur la langue des signes et l’absence de sous-titres
Les avis du groupe de visionnage sur cette question sont assez partagés. Cet aspect est celui qui a fait le plus débat.
« Un choix assez risqué, mais cela n’est pas juste car les personnes connaissant la langue de signes ukrainiens peuvent comprendre. Si le réalisateur voulait qu’on ne puisse pas suivre, autant créer une langue des signes imaginaire. Après c’est une bonne initiative pour les entendants, pour qu’ils apprennent vraiment à regarder sans se fier au son. Un film provocateur. » (Hélène C.)
Certains membres regrettent le choix de l’absence de sous-titres :
« Cette idée qui se voudrait radicale me paraît en fait assez « gadget ». The Tribe étant finalement plutôt très dialogué (cf. la séquence dans le bureau à quatre personnages, ou encore la scène de dispute entre les deux adolescentes), on reste complètement à côté des protagonistes, de ce qui se joue précisément entre eux. Personnellement, le fait de ne pas comprendre (ou très peu) les dialogues m’a franchement dérangé. C’est comme si on enlevait aux personnages la subtilité et les enjeux de leurs propos. » (Anna M.)
« Le fait qu’il soit tourné en langue des signes ukrainienne et qu’on ne comprenne évidemment pas la moitié des dialogues nous éloigne petit à petit de l’histoire et des personnages. Pour ce qui est du non sous-titrage, nous n’accepterions pas d’assister à la projection d’un film dans une langue étrangère sans sous-titres. Certes la langue des signes est une langue visuelle mais il n’est pas donné à tout le monde de la comprendre, même intuitivement, et je ne vois pas pourquoi elle s’émancipe d’une traduction. Il y a énormément de scènes signés, les personnages parlent et se disputent beaucoup et l’on ne peut que comprendre, dans les très grandes lignes, le thème principal de leur débat. Selon moi, il n’y a donc pas vraiment de justification. » (Pauline C.)
À l’inverse, d’autres ont salué ce choix considéré comme audacieux et qui permet de renverser le rapport habituel du spectateur au film :
« Le réalisateur est vraiment courageux de montrer un film sans sous-titrage, ni traduction. Cela me fait du bien de montrer ce film complètement en langue de signes. C’est la première fois, que je vois un film aussi provocant pour les entendants. Cela ne me dérange pas. On pourrait demander aux entendants : un film français sans sous-titrage pour les sourds, qu’en pensez-vous? » (Hrysto)
Pour aller plus loin…
Article de Libération : « La mafia des esclaves du silence. Un réseau ukrainien qui exploitait les sourds-muets a été démantelé. »
Article de Libération sur « Les Silencieuses de Valery Todorovski, film sur un sujet proche de The Tribe : Le troisième film du Russe Valéri Todorovski, oppressant et attachant.
L’AVIS DES INTERNAUTES
The tribe est la plus grande déception vue. Il a obtenu les 3 récompenses à la Semaine de la Critique et indique la faiblesse de cette semaine du Festival de Cannes. (je connais très bien le festival du Cannes et j’y suis allée pour la 4ème fois).
Myroslav Slaboshpytskiy a filmé des sourds délinquants sans sous-titre. C’est beaucoup. C’est trop. je suis sûre qu’il ne comprend rien la langue des signes Ukrainienne ce que les comédiens sourds non professionnels parlent vite comme fou et nerveux Ils ne sont pas bons ni justes. Le metteur en scène me contraint à la position de spectateur voyeur, et les acteurs sourds se transforment en des objets : c’est à dire que les personnages ne sont plus des êtres humains, mais des concepts agités devant une caméra auto-satisfaisant.
L’impression que le film m’a donné, est désagréable. Je trouve que Le réalisateur me semble le manque de respect devant ses spectateurs et ses acteurs et même de ses références.( la violence la plus crue, peu près de Tarantino) mais sans l’émotion joyeuse du premier, et sans l’ambition du second.
Les femmes sont manipulées comme des objets, les scènes de sexe comme des photos de calendrier porno. bref, tout est artificiel et calculé.
Les scène d’horreurs sont montrées : violences, combats, avortement sauvage (je suis loin de la drame très poignant de « 4 mois 3 semaines 2 jours »), prostitution, meurtre sanglant. The tribe est artificiel et son réalisateur est un manipulateur, torve et malsain. on peut se demander pourquoi les acteurs sourds sont choisis dans ce film « hors norme »???
Lucie ARNAUD, de Nantes
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