Quand on aime le cinéma… Témoignage

Delphine Harmel, cinéphile non voyante, nous a fait parvenir ce témoignage en avril 2016, peu après la sortie en salles du dernier film d’André Téchiné. Le DVD  du film étant paru, nous partageons ce coup de coeur avec vous :

« Cela s’est passé mardi soir. Le programme était encore assez flou. Nous avions envisagé, mon amie Véronique et moi, quelque chose de chouette : un concert, un spectacle, un verre… Seulement voilà : 18 h 30, toutes deux débordées par notre vie professionnelle autant que par notre famille nombreuse, nous nous rendons compte que chacune comptait un peu sur l’autre pour repérer la pépite… la proposition idéale qui nous permettrait de conjuguer la joie de nous retrouver et le plaisir d’une découverte culturelle partagée.

Et, à 18 h 30, ce mardi soir : rien!  Qu’est-ce qu’on fait ? Où ? Je crois que je dois une fière chandelle à Véronique car c’est elle qui a émis : … ou bien un ciné ? ». Alors, j’ai rebondi : « oui, le Téchiné ! ».
En un rien de temps, la séance est identifiée, le rendez-vous fixé. Ce sera forcément un UGC puisque l’audiodescription, dont j’ai maintenant besoin, y est proposée en principe à toutes les séances.

Quand on aime le cinéma… et qu’on ne voit plus les images, les choses deviennent compliquées. Si je suis restée cinéphile après avoir perdu la vue, j’ai donc expérimenté cette frustration, m’éloigant un temps des salles obscures avant d’oser y effectuer des incursions timides avec le développement de l’audiodescription. Cependant, à la frustration s’ajoute parfois la déception, voire la colère, lorsque une audiodescription maladroite, bavarde  ou pompeuse vient parasiter la bande son, si bien qu’il m’est arrivé trop souvent de la recevoir davantage comme une gêne que comme une aide.

Quand on a 17 ans m’a attirée si fort que je n’ai pas longtemps hésité. Parce que je me souviens avec précision des premiers films d’André Téchiné quand j’avais 17 ans et des poussières, je ne voulais pas manquer ce « Rendez-Vous »… Accompagnée de l’audiodescription, j’ai donc tenté l’aventure et me suis émerveillée des images superbes  (« Thomas, petite silhouette noire dans l’immensité blanche« …), ai retenu mon souffle plusieurs fois tant je « vivais » avec intensité chacun de ces instants, ai éprouvé des émotions de cinéma que je croyais réservées au temps d’avant, celui de mes 17 ans… Car ici, l’audiodescription se fond dans le film, elle l’épouse, elle l’embrasse et permet de le faire vibrer à son juste rythme. Sans trop en faire, elle transmet avec finesse aussi bien la majesté de la nature (« océan de verdure » au retour du printemps) que la beauté des corps sous le regard sensible de la caméra du réalisateur.

Alors qu’au fil du film, les sentiments complexes se mêlent, incertains, l’audiodescription coule, transparente et claire comme un torrent de montagne, laissant également la part belle à la bande son, comme à l’imagination du spectateur.

Spectatrice comblée, je l’ai été. A l’instant où les lumières se sont probablement rallumées, Véronique s’est simplement tournée vers moi. Je lui ai souri… Et, ensemble, nous avons murmuré le même mot :  » Magnifique ! » parce que nous avions vu le même film.

Il se trouve que ma vie professionnelle m’a emmenée sur les chemins de la culture, puis  sur le terrain encore en friche  de l’accessibilité à la culture. Néanmoins, c’est avant tout parce que j’aime le cinéma que j’ai suivi fin 2014 une formation mise en place par l’INA et l’association Retour d’image autour de l’audiodescription et spécialement destinée à des personnes déficientes visuelles. Depuis, il m’arrive de collaborer à l’écriture d’audiodescription en joignant l’exigence de mon regard de spectatrice non-voyante à la pertinence de celui de l’auteur de l’adaptation : expérience aussi riche qu’enthousiasmante.

Ainsi, il existe des films semblables à des cadeaux précieux : ils demandent à être maniés  avec précaution pour conserver leur intégrité. Oeuvrer avec grâce et délicatesse pour réaliser la version audiodécrite d’un film se révèle souvent un exercice difficile : le jeu en vaut la chandelle.
La preuve : mardi soir, je suis allée voir un film magnifique : Quand on a 17 ans.

Le DVD de Quand on a 17 ans a été édité par Wild Side avec le sous-titrage VFST et l’audiodescription. Il en vente en ligne depuis le 3 septembre 2016, au prix de 14,99 €.

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