« Le Musée des merveilles », de Todd Haynes

Metropolitan Films a invité des membres du groupe de visionnage de Retour d’image aux séances de presse, afin de donner leurs avis de spectateurs sur le film, en sortie nationale le 15 novembre 2017. Vous pouvez les lire ci dessous et contribuer à cet échange en envoyant votre avis via le formulaire au bas de cet article.

Le Musée des merveilles (titre original Wonderstruck), de Todd Haynes
avec Oakes Fegley, Millicent Simmonds, Julianne Moore
Fiction, Etats Unis, 2017 / Durée : 1h57

Résumé : sur deux époques distinctes, les parcours de Ben et Rose, deux enfants qui souhaitent secrètement que leur vie soit différente. Ben rêve du père qu’il n’a jamais connu tandis que Rose, isolée par sa surdité, se passionne pour la carrière d’une mystérieuse actrice. Lorsque Ben découvre dans les affaires de sa mère l’indice qui pourrait le conduire à son père et que Rose apprend que son idole sera bientôt sur scène, les deux enfants se lancent dans une quête symétrique qui va les mener à New York…

 

Accessibilité :

Le film est en VO ST (version originale sous-titrée).
Il existe aussi une version française (doublée) qui contient

  • la VSM  (version sous-titres sourds et malentendants)
  • l’audiodescription
    Cette version est notamment projetée dans le cadre des séances accessibles aux personnes ayant des handicaps cognitifs organisés avec Ciné Ma Différence.
    Accéder à la liste de ces séances.
    .

 

 

L’AVIS DU GROUPE DE VISIONNAGE

 

Pourquoi ce film?

Présenté en compétition au festival de Cannes 2017, Le musée des merveilles (Wonderstruck) est la première incursion du cinéaste Todd Haynes dans le film pour enfants. C’est aussi la première fois qu’il aborde la question du handicap sensoriel même si ses films ont toujours été traversés par le thème de la différence : l’homosexualité (Velvet Goldmine, Carol), la maladie mentale (Safe), les discriminations raciales (Loin du paradis).
Cet hommage tendre à l’émerveillement enfantin est aussi un exemple du travail qui peut se faire autour de la surdité au cinéma.

Le groupe de visionnage a décidé de le faire entrer au catalogue des films que l’association recommande aux programmateurs pour plusieurs raison, même si les partis pris n’ont pas convaincu tous ses membres.

La mise en scène et le récit

« J’ai beaucoup aimé l’alternance des scènes en noir et blanc pour représenter les années 20 et des couleurs vieillies et un peu jaunies des images pour se rapprocher du cinéma des années 70.  Un beau voyage dans les temps … Cette alternance est fascinante car On n’arrête pas à se demander quel est le rapport entre ces deux histoires parallèles et si celles-ci finiront par se rejoindre et comment ! » (Sébastien Picout)

« Je n’ai pas trouvé la narration très intéressante, avec des parallèles très forcés entre les destins des deux enfants à 50 ans d’intervalle. L’intrigue est selon moi très prévisible et la partie dans les années 20 donnent l’impression d’être du pur remplissage puisqu’il ne s’y passe quasiment rien d’important pour la suite du récit et les révélations finales. Je trouve aussi les choix esthétiques du film un peu faciles : la partie qui se situe dans les années 20 est mise en scène façon cinéma muet — noir et blanc, pas de son « in » et nappage musical par-dessus—, celles dans les années 70 cherche aussi à reproduire quelque chose de l’époque (cinéma du Nouvel Hollywood ?). Je ne suis pas convaincue par cet aspect pastiche. Pour moi, cela met à distance et empêche l’émotion de véritablement émerger. » (Anna Marmiesse)

« D’abord étonnée par le langage cinématographique simpliste du film qui s’appuie sur des rimes évidentes et rarement sur le décalage , j’ai finalement eu du plaisir. Todd Haynes dispense en quelques sortes une initiation pour enfants à comment fabriquer soi-même des histoires de cinéma. Du scénario à énigme (la phrase clé et le livre ancien laissés par sa mère) à l’élaboration artificielle de décors (un diorama de loups, une gigantesque maquette de la ville de New York) en passant par le story board (des croquis annotés chipés dans les bureaux du Musée) et un des outils les plus communs du repérage avant l’apparition des smartphones (un appareil polaroïd), le cinéaste livre des recettes toutes simples aux petits. »  (Diane Maroger)

Le titre

« Avec le terme « merveilles » on s’attendait beaucoup à la magie, à la féerie,  au fantastique, aux rêves comme « Alice au pays des merveilles », ce qui n’est pas forcément le cas dans le film » (S. P.)

« Le titre anglais Wonderstruck signifie « frappé d’émerveillement ». Il fait écho à l’accident qui fait perdre à Ben l’audition avec un jeu de mot, qui évoque l’expression frappé par la foudre. Ce titre est beaucoup plus juste que celui choisi pour la France car il s’agit de bien plus qu’une quête de merveilles ou de merveilleux. Il rend hommage à cette capacité d’émerveillement que portent en eux les enfants et qui amène certains d’entre nous vers la passion du cinéma. On peut se laisser porter et se dire, à la fin du film, que le parcours de Ben vers Rose valait bien les apparentes facilités du récit. En effet, les 20 ou 30 premières minutes laissent place à de belles rencontres. Telle une Alice au pays des merveilles, Rose s’extirpera de chez une méchante reine en se glissant dans un soupirail. De son côté Ben, suivant les indices laissés par sa mère, va faire la rencontre de Jaimie, un autre enfant solitaire qui détient des clés pour l’aider. Ces enfants ont un sens partagé du merveilleux » (D. M.)

Les personnages

« J’ai aimé les tranches de vie des enfants, Rose la jeune fille née sourde et Ben, un garçon devenu brutalement sourd car on se reconnaît pas mal dans leurs situations vécues : il s’agit de se confronter aux problèmes de communication et de compréhension » (S. P.)

« J’ai aimé les deux personnages d’enfants, leur persévérance, le fait qu’ils arrivent à se débrouiller pour partir loin de chez eux malgré leur handicap. La surdité n’est jamais montrée comme un véritable problème pour les personnages, simplement une partie d’eux. » (A. M.)

« Les rues de New York sont importantes dans le film. Dans les années 70 on voit une forte mixité sociale et ethnique, contrairement aux années 20. Chez Rose, les noirs sont des serviteurs soumis. Todd Haynes distille un sous-texte sur la rencontre des différences. Ben se lie d’amitié avec Jaimie qui est noir et lui apprend l’alphabet signé (dactylologie). Au générique de fin, ce sont leurs petites deux mains qui signent : une noire, une blanche ». (D.M)

Le traitement du son et la surdité

« J’aime que les voyages des personnages se fassent avec peu de dialogues ; que tout soit compris par l’observation, nous poussant ainsi à utiliser des capacités que nous possédons tous mais que nous négligeons parfois. Si les deux enfants ont perdu l’ouïe cela ne les empêchent pas de dévorer des yeux tout ce que la vie a à leur offrir. La surdité n’est pas un handicap mais une forme d’émancipation et je trouve ce parti-pris aussi surprenant que rafraîchissant. » (Barbara Fougère)

« J’ai beaucoup apprécié que le réalisateur ait pu par moment couper complètement le son (et aussi arrêter les sous-titres),  pour nous montrer ce que perçoivent en réalité les sourds qui n’entendent pas les sons et les bruits, lorsque les personnages entendants s’adressent oralement vers eux. » (S.P)

« Les choix sonores cherchent parfois à reproduire les sensations des personnages sourds… mais pas toujours. Dans la partie dans les années 70, on alterne entre des séquences où on entend tout ce qui se passe et d’autres où ce n’est pas le cas… selon que ça arrange la narration ou pas. Si le spectateur entendant a besoin de comprendre pour la suite de l’intrigue, alors il y aura du son. Cela m’a paru artificiel. » (A. M.)

« La surdité est un handicap invisible. On ne le voit pas. D’ailleurs, les personnages des enfants visitent le musée et apprennent des choses sur l’histoire naturelle… mais ils ne connaissent pas l’historique des sourds, des cultures sourdes, ils ne parlent pas la langue des signes. J’ai été frappée par l’image des loups qui font faire des cauchemar au personnage de Ben : cela représente pour moi la peur que peuvent ressentir les entendants envers les sourds… » (Vanessa Gorce)


Le propos du film

« Pour qui, comme moi, a perdu l’audition mais pas son émerveillement d’enfant, ce film ravive l’émotion du cheminement que l’on a fait vers la découverte de la liberté d’aimer très spécifique à l’amitié enfantine. Il s’agit de ces amitiés qui s’ancrent dans un imaginaire partagé. Le garçonnet que Ben se met à suivre l’amène sans le savoir dans les traces non seulement de Rose, mais aussi de son père, au Museum d’Histoire Naturelle. Des décennies après Rose, Ben touchera la même météorite, la même poussière d’étoile. Des décennies après Rose et plus encore après Alice, il sera initié aux mystères de ses propres rêves. » (D. M.)

« La communication non verbale et les jeux de regard ouvrent un monde de possibles et d’émerveillement. J’aime que les personnages redonnent vie à des éléments figés grâce au regard qu’ils posent sur le monde, les animaux empaillés semblent revenir à la vie, et les maquettes bricolées par Rose deviennent le moyen de faire ranimer le passé. » (B. F.)

 

 

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