TEFF 2023 : La cécité en met plein la vue

Cinéma, bien sûr, mais aussi place du handicap et des handicapés dans l’audiovisuel : la septième édition du TEFF, début novembre à Namur (Belgique), a sondé la visibilité d’une population rarement sous les projecteurs.

Renouant avec sa tradition de proposer des débats autour de la fabrication des films, The Extraordinary Film Festival était le théâtre de deux tables rondes.
La première posait une question optimiste : « Documentaire et handicap : sujet d’avenir ? » Du côté des réalisatrices présentes, il s’avère qu’elles sont toutes concernées, d’une manière ou d’une autre par le handicap. Un producteur belge précise qu’il n’a plus besoin de chercher des projets, mais que le handicap dans son cas, c’est le manque d’argent pour produire. Les échanges relèvent alors qu’un documentaire sur le handicap connaît les mêmes difficultés que l’ensemble du documentaire : le manque de reconnaissance et d’intérêt. En effet, les Cahiers du cinéma de ce mois de novembre 2023 donnent des chiffres éloquents pour la diffusion dans les salles françaises en 2022 : si les documentaires ont représenté 20% des sorties, ils n’ont réalisé que 1,4% des entrées…
La seconde s’intitulait « Cinéma et inclusion », partant du constat que la Belgique est le plus mauvais élève européen concernant l’emploi de handicapés dans l’audiovisuel, secteurs technique et artistique confondus (0,47%). Concernant les techniciens, le débat fut très long, pour constater que la situation était très proche, en Belgique comme en France, les deux pays où travaillent les intervenants.
Les participants ont été informés qu’en Île-de-France fonctionne l’Agence Cristal, une agence artistique pour acteurs handicapés, émanant de la troupe du Théâtre du Cristal.
Il existe aussi une maison de coproduction et de codistribution, Impact Films, qui, via son fonds d’investissement, a créé un système de bonus financier pour un film qui introduirait des personnages issus de la diversité (handicapés inclus) dans son casting (figuration, seconds rôles).
Quant à la question des rôles dévolus aux handicapés, que la caractéristique de leur personnage soit leur déficience ou non, il a divisé la salle. De manière générale, les producteurs et décideurs, même handicapé, se retranchent derrière la difficulté de trouver des comédiens handicapés… Et pourtant ! L’aveugle qui ne voulait pas voir Titanic, le long-métrage qui a obtenu ex-aequo le Grand Prix du Jury, donne le rôle principal à un comédien devenu aveugle et devant se déplacer en fauteuil roulant, Petri Poikolainen. Le réalisateur Teemu Nikki lui a écrit une fiction sur mesure. Et cela fonctionne.

L’autre lauréat du Grand Prix, All that remains to be seen, de Julie Bezerra Madsen, traite aussi de cécité, mais sous forme documentaire. La réalisatrice danoise filme en cinéma direct et à juste distance la relation entre une femme danoise et son fils d’environ huit ans, déjà atteint de la même maladie génétique dégénérative qui a rendu sa mère aveugle.
L’interview de la productrice est à retrouver ici.

Documentaire toujours, En mis zapatos de Pedro Morato a séduit le public, qui lui a décerné son Grand prix du long métrage. Il traite aussi d’une relation mère-fils, mais à l’autre bout de la vie.
Il est disponible jusqu’au 14 janvier 2024 sur le site de France TV, en version SME.

Enfin, preuve que Retour d’image et le TEFF sont des structures cousines, deux des courts-métrages primés figurent d’ores et déjà à notre catalogue : The Dress, de Tadeusz Lysiak, dont l’interview en compagnie de l’actrice principale Anna Dzieduszycka est disponible ici (prix du public) et Auxiliaire, de Lucas Bacle (Grand prix du jury court métrage).

Le palmarès complet se trouve sur le site du TEFF.

Auteur de l’article : Stéphane Rastello