Les enfants du silence

(CHILDREN OF A LESSER GOD)

1986

Réalisation : Randa Haines
Fiction, Etats-Unis ; 119 min.

Personnages : James Leeds (William Hurt),
Sarah Norman (Marlee Matlin), Sarah Norman
(Piper Laurie), Docteur Curtis Franklin (Philip Bosco),
Mary Lee Ochs (E. Katherine Kerr).

Genre : Drame

L'Histoire

Un jeune professeur d’articulation (James Leeds) arrive dans une Ă©cole pour sourds et malentendants. Il fait rapidement la rencontre d’une jeune femme de mĂ©nage sourde au caractère bien trempĂ© (Sarah Norman). James Leeds tombe amoureux d’elle et, alors qu’il obtient de bons rĂ©sultats en expression orale avec ses jeunes Ă©lèves sourds, il ne comprend pas pourquoi Sarah s’obstine Ă  refuser l’apprentissage de l’oral. James et Sarah communiquent en langue des signes et peu Ă  peu, la jeune femme confie ses traumatismes Ă  l’homme qu’elle aime. Pris entre le monde des entendants et celui des sourds, entre communication orale et langue des signes, le couple se fissure.

Impact

Les Enfants du Silence marque un tournant dans la représentation de la surdité au cinéma.

Ă€ sa sortie, bien que de nombreux spectateurs sourds considèrent Les Enfants du Silence comme un film principalement destinĂ© aux entendants1, ils saluent nĂ©anmoins l’avancĂ©e qu’il reprĂ©sente. Il s’agit en effet du premier grand film sur la surditĂ© depuis près de 25 ans (depuis Miracle en Alabama d’Arthur Penn, sorti en 1962) et du premier film Ă  engager une actrice rĂ©ellement sourde pour un rĂ´le principal.

éclairages

Les Enfants du Silence est l’adaptation d’une pièce de théâtre Ă©crite par Mark Medoff en 1980, après que soit ratifiĂ©e une des plus importantes lois sur les services aux personnes en situation de handicap 2, et avant que l’American with Disability Act ne fixe l’interdiction de discriminer une personne en raison de son handicap dans le monde du travail (en 1990).

Alors que dans la pièce de Mark Medoff, la surditĂ© tient un rĂ´le beaucoup plus politique que romantique, l’adaptation de Randa Haines gomme la plupart des traces du conflit politique qui oppose James Ă  Sarah pour le transformer en diffĂ©rend amoureux. Si le film raconte la lutte de ce couple pour trouver un terrain d’entente sur lequel il communiquera, les scènes de discussion entre James et Sarah sont systĂ©matiquement entendues Ă  travers la voix de James (qui traduit tout ce que signe Sarah). Les Enfants du Silence dĂ©cide donc d’exister principalement dans le monde des entendants.

Ainsi, mĂŞme si un spectateur entendant pourrait penser que la prĂ©sence conjointe de l’oral et de la langue des signes est un moyen astucieux de permettre au public Ă  la fois sourd et entendant de suivre l’intrigue, le mauvais cadrage de la langue des signes et l’absence de sous-titrage des dialogues parlĂ©s empĂŞchent les personnes sourdes de comprendre tout ce qui se passe Ă  l’Ă©cran. Les spectateurs sourds ont donc d’autant plus dĂ©plorĂ© qu’Ă  sa sortie, sur les 215 cinĂ©mas du pays qui projetaient Les Enfants du Silence, seuls 10 proposaient des versions sous-titrĂ©es, jouĂ©es une seule fois par semaine, le samedi ou le dimanche matin.3

Cependant, il est important de souligner que pour la première fois au cinĂ©ma, on voit un personnage sourd refuser de s’exprimer oralement, et revendiquer son appartenance Ă  la communautĂ© culturelle sourde signeuse. Le film participe donc Ă  une forme d’Ă©ducation des entendants sur la surditĂ© en les exposant au monde des sourds signants. Il est Ă©galement capital de mentionner que pour la première fois, une actrice sourde reçoit un Oscar et un Golden Globe (en 1987) pour sa prestation. Ces prix prestigieux remportĂ©s par Marlee Matlin alors très jeune (une vingtaine d’annĂ©es Ă  peine) marquent les esprits. Il faudra attendre 35 ans pour qu’un autre acteur sourd reçoive Ă  nouveau un oscar (Troy Kotsur pour CODA en 2022)

Parentés thématiques

En 1979, le film Silence… Mon Amour (de Robert Markowitz) Ă©voquait dĂ©jĂ  les difficultĂ©s de communication que devait surmonter un couple sourd – entendant.

Bien que le film The Hammer (Oren Kaplan, 2011) montre une histoire d’amour entre deux personnages sourds, il s’agit tout de mĂŞme d’un couple devant surmonter une problĂ©matique communicationnelle, puisque l’un des personnages est sourd oraliste tandis que l’autre est sourd signant.

Autrice : Barbara Fougère 

  1. Voir la critique du film par Roger Ebert, parue le 3 octobre 1986 dans le Chicago Suntimes
  2. Aux USA, suite au mouvement des droits civiques de 1964, les personnes avec un handicap commencent à revendiquer leur intégration totale à la société. En 1974, le Rehabilitation Act, une loi sur les services aux personnes en situation de handicap, est votée. La section 504 de cette loi – qui prévoit l’interdiction aux organisations bénéficiaires de fonds publics d'exercer toute forme de discrimination basée sur le handicap – n'est en revanche ratifiée qu'en avril 1977.
  3. Source : A. E. Hardie, « The Deaf are divided on the film Children of a Lesser God », The New York Times, 16 novembre 1986, section 1, p. 72.

Newsletter

L’actualitĂ© mensuelle de Retour d’image et de ses partenaires : Ă©vènements, films, festivals, crĂ©ations et entretiens.