Le Bossu de Notre Dame

© Lobster Films

(The Hunchback of Notre Dame)

1923

Réalisation : Wallace Worsley

Fiction, États-Unis, noir et blanc ; 1h58.

Personnage : Quasimodo (Lon Chaney)

Genre : Drame médiéval – Muet.

On compte une dizaine d’adaptations cinématographiques du roman de Victor Hugo Notre Dame de Paris. Si celle de Wallace Worsley, produite par la MGM, n’est pas la première1, elle fut l’un des plus gros budgets et succès du box-office de l’histoire du cinéma muet. La majorité de ces films s’inscrivent dans la lignée des grands drames axés sur un personnage stigmatisé par une déformation corporelle monstrueuse — ici celle de son dos, à laquelle s’ajoutent celle du visage. De plus, Quasimodo est devenu sourd en faisant sonner les cloches, ce qui amplifie non seulement son isolement mais aussi l’innocence caractéristique de la victime sans défense d’une société qui exclut les pauvres ou les instrumentalise.

Dans le roman, la gitane Esméralda, dont est amoureux Quasimodo, meurt pendue, et il se laisse mourir à ses côtés. Dans l’adaptation de Wallace Worsley, Quasimodo meurt poignardé après avoir sauvé Esméralda, et celle-ci épouse le chevalier Phoebus, son amant. La figure du monstre victime, présente dans de nombreux romans du XIXe siècle, est commune aux débuts du cinéma.

Wallace Worsley est contraint par la lourdeur des dispositifs cinématographiques des années 1920 à une mise en scène souvent frontale, en plans larges, sur fond de reconstitution détaillée du parvis et des ruelles avoisinantes de Notre Dame. Il mise sur un scénario à rebondissements et sur le pouvoir expressif de l’acteur Lon Chaney pour susciter l’empathie du spectateur envers Quasimodo. Chaney est une star du muet qui doit sa notoriété internationale à son art consommé du transformisme2. On lui connaît une prédilection pour les personnages atteints de difformités.3

En 1939, le réalisateur William Dieterle disposera pour son adaptation parlante de Quasimodo, avec Charles Laughton dans le rôle, de moyens techniques et décors plus mobiles. Il va davantage dépeindre le monde médiéval du point de vue des victimes, nous rapprochant de Quasimodo, descendant au raz des ruelles jouxtant la cathédrale pour opposer le monde des puissants à celui des mendiants éclopés de la cour des miracles. Les champs / contrechamps entre Quasimodo et Esmeralda (Maureen O’Hara), opposant la puissance visuelle du monstre à celle du visage lumineux de la belle gitane, sont mémorables.

Dans ces deux films, Quasimodo demeure le parangon de l’éternel amoureux sans retour, exilé tel un ange en haut de son clocher. Une figure fondatrice du cinéma de l’isolement selon la lecture proposée par l’historien Martin Norden dans son analyse des représentations du handicap dans le cinéma hollywoodien4. A partir des années 90, des adaptations effacent le tragique au profit de l’héroïsation de Quasimodo.

Autrice : Diane Maroger

  1. Une version de James Gordon Edwards connut un certain succès en 1917.
  2. Il porte pour ce tournage 34 kg de prothèses, nécessitant 4h d’habillage et maquillage par jour.
  3. En 1920 il est dirigé par Worsley dans un rôle d’amputé des jambes ; en 1927 dans L'Inconnu de Tod Browning (le réalisateur de Freaks), il incarne un personnage double amputé des bras.
  4. NORDEN Martin, The Cinema Of Isolation: A History of Physical Disability in the Movies, Rutgers University Press, 1994, 323p.

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