Behindert

Photo extraite de Behindert : le visage d'une femme blonde au large sourire. Elle porte un chemisier blanc.

1974

Réalisation : Stephen Dwoskin

Documentaire,  Allemagne, Royaume-Uni, 1h36, 16mm couleur 

Genre : Essai autobiographique / documentaire fictionné

Synopsis

Figure du cinéma underground des années 70, réputé pour sa caméra subjective1, le cinéaste anglo-américain filme en la rejouant, sa relation avec Carola, une danseuse Berlinoise. Lors d’un déjeuner chez des amis, la trentenaire qui s’assied pour la première fois face à lui répond à ses voisins de table tandis que son regard s’aimante progressivement à la caméra qui incarne Stephen. Lorsqu’elle se lève pour partir, il propose de la raccompagner. Leur hôte apporte les hautes béquilles de Stephen. Le regard de Carola s’attarde longuement sur celles-ci. Scrutant le corps et le regard de la partenaire valide d’un homme entravé par l’inaccessibilité de l’environnement, Behindert capte l’évolution de cette relation, de la naissance du désir aux aléas d’une vie commune jalonnée de petits défis à temporiser. Jusqu’au jour ou Carola s’en va.

Impact

Produit par la télévision allemande (ZDF RFA) dans le cadre d’une trilogie réalisée entre 1974 et 1981, Behindert, dont le titre signifie « handicapé » (littéralement « empêché ») en allemand, demeure le long métrage le plus connu de Stephen Dwoskin. Avec sa bande son de musique sérielle signée Gavin Bryars, presque sans dialogue, il est sélectionné par la Quinzaine des cinéastes du Festival de Cannes et de nombreux festivals. La critique et les spectateurs y reconnaissent, historiquement, le premier film situé dans le regard d’un artiste handicapé donnant à voir le validisme à l’œuvre au sein d’une relation intime.

Ce film-essai sera suivi, dans la même collection, de Outside In (1981) où Dwoskin se met également en scène avec ses béquilles, aux prises avec les obstacles environnementaux et comportementaux de la société londonienne, sur un ton davantage empreint d’autodérision : chutes spectaculaires, incompréhension gaguesque de l’entourage, instants poétiques. Dwoskin est alors considéré par un critique du journal Libération comme le « dernier cinéaste »2. L’œuvre de Dwoskin, aux antipodes de la bien-pensance réparatrice, est étudiée depuis 50 ans dans les universités du monde entier. 

Éclairage

Pour le cinéaste, il s’agissait en réalisant Behindert, « d’accumuler un matériau de journal intime pour ensuite l’agréger en une seule expression cinématographique tangible et compréhensible. Il s’agissait d’offrir au spectateur une expérience et une compréhension visuelle des événements, plutôt que des explications verbales et objectives de ceux-ci. Pour moi, le film posait une question lancinante : qu’est-ce qui est normal ? »3

Selon Lawrence Carter-Long, critique et auteur issu de la communauté des personnes handicapées, Dwoskin a « cassé le moule des représentations traditionnelles du handicap au cinéma »4.  Il a commencé à militer pour les droits des personnes dans les années 70 au moment où il réalisait Behindert. En 1991, Dwoskin signe en outre un documentaire très personnel pour la chaine anglaise Chanel 4, intitulé Face of Our Fear sur l’histoire de la peur du handicap dans le cinéma européen, notamment la propagande nazie promouvant l’eugénisme. Il y affirme qu’en un siècle, l’art cinématographique a davantage contribué à enraciner les stéréotypes sur les personnes handicapées et à leur nuire que la littérature ne l’a fait en plusieurs siècles. Il y représente aussi la critique du Téléthon par des militants anglosaxons concernés5.

Parentés cinématographiques

En France, des thématiques de la douleur et du corps médicalisé abordées par Stephen Dwoskin dans ses films les plus tardifs trouvent un écho dans le cinéma de Rémi Gendarme (Fils de Garches, 2020).

Autrice : Diane Maroger

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