LE POINT DE VUE DE STÉPHANE RASTELLO
journaliste de cinéma et travailleur social

A propos de Aglaée de Rudi Rosenberg, court métrage en compétition

Pourquoi Aglaée ne sortirait pas avec un mec ? « T’es handicapée, je sais pas, mais réfléchis, c’est pas logique », lui balance Benoît avec toute la cruauté dont on est capable lorsqu’on a une quinzaine d’années. Il la retrouvera dans une boum…

Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’univers de Rudi Rosenberg est bien plus proche de Céline Sciamma, d’ailleurs remerciée au générique, que de Pinoteau. Et si ce court-métrage s’est imposé au comité de sélection de Retour d’image, c’est par ce mélange de sincérité méchante et d’émoi, d’ostracisme et d’attirance filmé de manière étonnamment juste.

Géraldine Martineau, qui interprète Aglaée, une jeune IMC frappant d’abord par la vulgarité de son langage, n’est pas réellement handicapée ; cela se voit du premier coup d’œil, même si la gestuelle de l’actrice se rapproche beaucoup d’une véritable hémiplégique. Mais ce n’est pas gênant, car le film part du handicap pour aller à la description des sentiments qui affluent sans qu’on ne les maîtrise.

Aglaée, tout comme Benoît, sont filmés chacun seul dans une courte séquence muette, où l’actrice professionnelle, dont la prestation a été récompensée par le prix d’interprétation aux Premiers Plans d’Angers, et Marc Faria-Chaulet, le « débutant-découvert-par-hasard », nous font ressentir avec la même justesse tout le mal-être qui les envahit dans l’instant.

J’ai beau être IMC tout comme Aglaée, je n’ai pas focalisé sur notre infirmité commune. Car il s’agit moins d’un film sur le handicap que sur l’adolescence, cette période - on s’en rappelle tous – des premières tentatives de séduction, des premiers râteaux, des moqueries dans la cour du collège parce que notre corps se transforme et nous échappe. L’un est trop gros, l’autre défigurée par l’acné : tout est prétexte à raillerie car on est sans pitié à cet âge-là.

Quand un handicap s’ajoute à cette métamorphose compliquée, comment séduire ? « Mais réfléchis, c’est pas logique ! » Et comme la logique a peu à voir avec le désir et les sentiments, tout est ouvert…