Festival Un Autre Regard » KEN LEGARGEANT

KEN LEGARGEANT

KEN LEGARGEANT
directeur du CinéMarine à Saint Gilles Croix de Vie

Comment est venue l’idée du projet du festival Un Autre Regard au CinéMarine?

Ken Legargeant : En avril 2011, je reçois un coup de fil de François Hurard, Conseiller Cinéma du Ministère de la Culture, qui avait été chargé par son ministère et le Ministère des Solidarités de chercher un lieu où organiser un festival de cinéma sur le handicap.

Salle CineMarine

François Hurard a immédiatement pensé à Saint Gilles Croix de Vie, une ville dont le maire, Patrick Nayl, est très impliqué dans les questions d’accessibilité – notamment pour les personnes âgées – et il s’est dit qu’il fallait faire cela chez moi. Tout simplement.

Pour la petite histoire, je connaissais François quand il était directeur du cinéma au CNC et tous les ans, je lui offrais des boîtes de sardines quand on se retrouvait à Cannes. A quoi tout cela tient !

Comment le Festival Un Autre Regard sera-t-il accueilli dans votre cinéma ?

On met à disposition nos salles. Le CinéMarine est bien adapté à ce festival puisqu’il a été construit selon les normes de la Loi handicap de 2005. Concrètement, cela veut dire que le cinéma est entièrement accessible aux personnes en situation de handicap.

Nous avons un système de « boucle magnétique » qui réamplifie la bande-son des films dans des appareils auditifs pour les personnes malentendantes, et cela fait déjà cinq ans que nous diffusons des films « audiodécrits » pour les personnes malvoyantes.

Le CinéMarine a d’ailleurs été parmi les premiers cinémas de France à s’équiper entièrement en numérique, ce qui est un véritable apport pour l’audiodescription. Pour la petite histoire, nous avons équipé en 1998, à Cabourg, une de nos salles avec un projecteur numérique Digital Projection (société rachetée par NEC) et qui intégrait déjà la technologie DLP de Texas Instrument, donc la technologie actuelle, et nous avons chargé les films par transmission satellitaire à partir des studios de Babelsberg.

Cette question de l’accessibilité et de l’audiodescription fera l’objet d’une journée de rencontres pendant le festival…

Il y a un côté grand public et un côté professionnel dans ce festival. Parmi les films programmés sera diffusé Hasta la vista, film absolument superbe qui devrait faire l’ouverture du festival.

Hasta la vista © Les Films 13

Côté professionnel, on va en effet aborder ces questions, notamment en ce qui concerne le futur programme de 2015 qui permettra de diffuser obligatoirement un sous-titrage pour les sourds et les malentendants et une audiodescription pour les malvoyants grâce à un système de casques infrarouges.

A partir de 2015, dès lors qu’il y aura un spectateur handicapé, la salle sera dans l’obligation de diffuser le film avec ces nouveaux supports techniques pour l’accessibilité. Le Festival Un Autre Regard prévoit des ateliers professionnels qui expliqueront ce qu’est la technique de l’audiodescription et comment il faut aborder ce nouveau langage.

La question de l’accessibilité et de l’audiodescription vous intéresse-t-elle en particulier en dehors de ces obligations légales ?

Dans notre cinéma à Cabourg, nous avions déjà réalisé une journée sur l’audiodescription avec le film La Ligne droite de Regis Wargnier. On a été sensibilisé tôt à ces questions, et on s’est équipé. Aussi, on est prêt pour 2015.

Aviez-vous déjà travaillé auparavant sur la question de la représentation du handicap ?

Je suis le responsable technique des Rencontres Cinématographiques de Dijon organisées par l’ARP (société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs) et nous avons toujours présenté le travail de l’association Les Toiles enchantées. Les réalisateurs de ces courts-métrages étaient « aidés à la réalisation » par Olivier Nakache et d’Eric Toledano, aujourd’hui célèbres pour avoir réalisé le film Intouchables. Mon rapport au handicap s’est donc fait à travers ces projections.

Pensez-vous que la réussite d’un film comme Intouchables puisse changer le regard sur le handicap ?

Probablement. Mais à part ce film, La Ligne droite ou Hasta la vista, je n’en vois pas beaucoup d’autres. Je pense que ces films peuvent faire changer l’image des handicapés auprès du plus grand nombre. Encore que les personnes en situation de handicap ne s’assument pas toujours !

C’est ainsi que nous croisons parfois dans notre cinéma des comportements curieux, des personnes visiblement handicapées qui, malgré les marquages au sol indiquant les places qui leur sont spécialement réservées, s’assoient sur les sièges non prévus pour elles… Les mentalités doivent donc progresser dans les deux sens, du côté des valides comme du côté des handicapés !

Vous avez souhaité que le Festival Un Autre Regard soit en entrée libre. Pourquoi cette démarche ?

En faisant payer les gens, cela ne reviendrait pas pour autant aux ayants droit. Alors autant que le festival soit gratuit et que tout le monde joue le jeu du bénévolat.

Que souhaitez-vous pour ce festival ?

Qu’il fonctionne. Mais est-ce qu’il sera pérenne, l’avenir nous le dira ! Sera-t-il un tournant comme certains autres festivals avec une thématique forte, pourquoi pas ?

Merci Ken Legargeant d’avoir bien voulu répondre à nos questions, et à très bientôt pour ce festival.