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Entretien

Making of  du festival Un Autre Regard avec sa productrice et chargée de l’accessibilité, DIANE MAROGER

par Nadia Meflah

Quelles étaient tes attentes pour ce nouveau festival ?
Depuis 2003, Retour d’image organise un festival en Ile de France sur la thématique cinéma et handicap et dont tous les films sont adaptés. Pour la première édition du festival Un Autre Regard, en Vendée, il y avait plusieurs enjeux nouveaux. Avant d’entrer dans le détail, je résumerai quels étaient les objectifs à atteindre en trois points:
1 – Concevoir un évènement aussi accessible que possible pour les spectateurs handicapés, dans un esprit convivial pour tous, avec la perspective de « l’accessibilité universelle » ;
2 – S’interroger à tous les niveaux sur les enjeux de la représentation des personnes handicapées au cinéma, en présence d’une vraie mixité de spectateurs, valides et en situation de handicap. En ne négligeant pas la question du casting des acteurs en situation de handicap ;
3 – Attirer et intéresser à ce festival aussi bien les professionnels de l’industrie cinématographique que le grand public.

Maintenant, je voudrais revenir sur cette notion d’accessibilité universelle dont on a parlé en introduction de la journée professionnelle du festival. En l’occurrence le vrai challenge du festival Un Autre Regard, par rapport à ce que faisait auparavant Retour d’image, a été d’expérimenter la chaîne de production des mesures d’accessibilité des films que sont l’audiodescription et le sous-titrage version sourds et malentendants (VSM) pour le numérique.
En effet le CinéMarine de Saint Gilles Croix de Vie est le premier cinéma français à avoir été équipé en numérique. Pour nous et au niveau des laboratoires, il fallait commander des adaptations s’intégrant aux « pistes 7 et 8″ des copies numériques (dites DCP), que d’autres cinémas pourraient utiliser après le festival pour faire des séances accessibles. Nous avons rapidement pris conscience du fait que le budget du festival ne permettrait pas de faire toutes les adaptations pour la copie DCP, mais au moins certaines : les films Rumba et Michel Petrucciani ont donc été adaptés en DCP, et la plupart des autres films ont été adaptés pour le Béta numérique. Le test a été révélateur: il n’y avait jamais eu dans ce cinéma là de projections audiodécrites et il a fallu chercher techniquement comment faire sortir du serveur la piste audiodécrite de manière isolée, afin de la retransmettre dans les casques sans fils qu’utilisent les non voyants, et non dans la salle avec le film. Le projectionniste du CinéMarine, Mickael Neveu, et notre régisseur, Dominique Viviani, y ont énormément travaillé en amont et pour le festival cela a fonctionné à merveille! Ils peuvent donc être de bon conseil pour les cinémas équipés en numérique qui souhaitent proposer une offre de films audiodécrits et sous-titrés. Je peux ajouter aussi que mettre en œuvre l’accessibilité universelle implique d’ajouter un certain nombre de postes techniques et humains à ceux d’un festival ordinaire, à savoir un régisseur copies chargé des relations avec les laboratoires, une équipe d’audiodescripteurs et de comédiens encadrés au niveau artistique pour interpréter l’audiodescription, des interprètes en Langue des signes et des transcripteurs des débats opérant à distance. Cela correspond à 50 % du budget du festival.

Tu évoques la question de la représentation des personnes handicapées…
Le dispositif d’accessibilité des séances et le choix des films étaient cruciaux. Retour d’image le fait depuis plusieurs années, mais grâce à la volonté de Roselyne Bachelot et de Frédéric Mitterrand, nous avions plus de moyens pour choisir les films que nous voulions voir y compris au niveau international. La programmation contient des inédits, dont certains jamais montrés en France, au côté de classiques et de films récents. Il y avait matière à satisfaire tous les goûts et aborder de nombreuses situations de handicap. Plus spécifiquement sur la question du casting, la séance de Lecture de scénario du prochain film de Nils Tavernier et la rencontre avec le producteur Philip Boeffard ont été un des grands moments du festival. Les gens ont vraiment pris la parole et nous avons pu écouter quelle était la démarche du producteur pour trouver un acteur en situation de handicap. Cette remarque m’amène à l’enjeu sociétal de placer l’accessibilité du cinéma au centre du débat, en attirant les professionnels de l’industrie cinématographique autant que le grand public. En effet, selon la loi du 11 février 2005 les établissements accueillant du public doivent devenir accessibles d’ici au 1er janvier 2015.

A l’article des attentes on parle souvent, au terme d’un festival, de sa fréquentation. Avec 1947 spectateurs en 3 jours, une moyenne de 139 spectateurs par séance, cette première édition est vraiment un succès.

Nous devons en grande partie ce succès au choix de la gratuité qu’ont fait dés le départ les exploitants, Ken et Romaine Legargeant. A la fois producteurs (ARP) et impliqués dans nombre de fédérations professionnelles (AFCAE, FNCF, CST) ils sont surtout des Gillocruciens aimant leur ville et leur public, qui ont mis à disposition de leurs magnifiques salles très modernes et très accessibles durant le festival. De la part d’un exploitant, c’est d’une très grande générosité de permettre cela.

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