Porfirio, Le point de vue de Jean-Luc Simon

A propos de Porfirio, long métrage en compétition lors du Festival Un autre regard 2012, le point de vue de Jean-Luc Simon, président du groupement français des personnes handicapées (GFPH).

Portrait de Jean-Luc Simon.

 

Ecrire sur ce film est peut-être la dernière chose à faire, tant les images que Alejandro Landes, son réalisateur, donnent à voir et à partager sont fortes et chargées de sens, presque choquantes à l’entrée du film, jusqu’à ce que le regard s’habitue et s’arrange de la nudité des corps et des vies qu’il montre sans jamais exposer.

 

Dans une Amérique latine dont ont perçoit les odeurs et les lumières autant que les noirceurs et les misères, Porfirio habite sa maison ouverte aux vents et aux clients de son « minutos », le micro-commerce de minutes de communication téléphoniques qu’il vend depuis un téléphone portable enchaîné à son cou.

 

C’est son travail, « cabine téléphonique », un commerce qui le conduit à être témoin des amours et tracas de ses clients, histoires qu’il poétise en comptines enchanteresses qui adoucissent le présent – son présent fait d’incontinences et de dépendances, mais aussi le présent que vivent ses concitoyens, semé tout autant d’injustices révoltantes que de solidarités évidentes.

 

Les mots sont simples et emplis de douceurs, les gestes sont pleins de respect et admirablement servis par une caméra toujours en mouvement et un cadrage aux ciseaux.

 

Ouvert par des images perçues de prime abord comme une incursion voyeuriste dans l’intimité du héros paraplégique, puis doucement déroulé vers la description d’un quotidien redimensionné autour des contraintes ordinaires de la vie autonome, Porfirio est un film qui rend compte d’une lente maturation. Il est une ode à la vie qui invite à la révolte contre l’injustice des hommes et aux combats pour la dignité.

 

Chargé d’expériences corporelles similaires à celles que vit Porfirio, qui joue sa propre histoire avec son épouse et son fils, j’ai été d’abord révolté par son fauteuil roulant déglingué et son dénuement assistanciel, mais j’ai aussi été éclairé par la simplicité de ses rapports aux autres et sa capacité à la dignité.

 

Ancrées dans la réalité qui y est livrée, l’histoire et les images du film sont tout autant révoltantes qu’esthétiques ; dans une permanente recherche du nécessaire équilibre au maintien du vivant, d’une quête de l’amour du corps et de l’autre, de la satisfaction de l’instant et du geste inattendu qui apaise et qui repait de sensations physiques, sonores, olfactives, luminescentes…

 

Comme quand Porfirio a ce geste du bras qu’il frotte contre le mur de chaux auquel est appuyé son lit et dont j’ai senti le grain sur ma peau, ou quand il remplit le vide de ses journées entre rêveries et jeux de famille dans une perpétuelle accroche corporelle avec les siens.

 

D’un coup, la magie est là. Les « minutos » éclairent l’éternité.

 

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